Petite fée des aiguilles

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Petite fée des aiguilles
Tina Struthers

Il faut prendre des risques. On vit juste une fois. Si tu fais un faux pas, tu auras une autre opportunité ou tu auras appris quelque chose.

Petite fée des aiguilles
Tina Struthers

On doit faire chaque jour ce qu’on veut faire, car on ne sait jamais ce que demain va apporter.

Petite fée des aiguilles
Tina Struthers

Un enfant, c’est un cadeau qui est prêté. C’est quelque chose de beau et magique, mais ce n’est pas ta propriété.

Tina Struthers

La maison de Tina Struthers est à son image. Chaleureuse, belle et accueillante, avec une grande part de créativité dans chaque petit détail. L’artiste en art visuel et textile m’a accueillie dans sa demeure à Vaudreuil-Dorion pour parler de Noël, de la famille et de la vie.

Notre rencontre a duré plus de deux heures. Tina Struthers est un vrai moulin à paroles. Qui pourrait croire qu’il y a cinq ans, lors de son arrivée au Québec, elle ne connaissait pas un mot de français. Sa langue maternelle est l’africain. Dans son pays natal, l’Afrique du Sud, elle a appris l’anglais pour le travail. Elle cherche parfois encore ses mots dans la langue de Molière, mais on n’y porte pas vraiment attention, car Tina Struthers parle la langue du cœur.

L’artiste s’est établie à Vaudreuil-Dorion un peu par hasard. Partie d’Afrique du Sud en 2008, parce que son mari avait eu un contrat de travail au Canada, elle a habité trois ans en Ontario avant que le travail pousse la petite famille vers le Québec. C’est en effectuant des recherches pour trouver une école pour son fils, qui commençait sa première année du primaire dans une province qu’il connaissait à peine et dans une langue inconnue, qu’elle a découvert l’école Saint-Michel.

« J’étais pleine d’inquiétudes sur le fonctionnement et à savoir si ça allait bien aller. Les trois premières années à l’école sont super importantes pour l’avenir scolaire d’un enfant. Comment un enfant peut-il apprendre à lire dans une langue qu’il ne peut pas parler, et toi non plus? J’ai choisi l’école Saint-Michel, où il y a juste la maternelle, la première année et la deuxième année. J’ai pensé qu’il y aurait moins de chance d’intimidation pour mon petit garçon, qui ne parlait pas le français », confie Tina Struthers qui s’était donné le défi d’apprendre le français aussi vite que son fils.

Quand tu ne connais pas quelque chose, tu as peur. L’instant où tu connais, tu n’as plus peur.

Quel heureux hasard, pour une immigrante et artiste, de tomber sur une ville qui mise sur la médiation culturelle pour intégrer ses nouveaux arrivants. Elle s’est tout de suite bien sentie. De fil en aiguille, les projets professionnels se sont multipliés, couture sur mesure pour des particuliers, confection de robes de mariage et de costumes de théâtre, expositions, ateliers et une multitude de projets artistiques.

Tout va être ok

Cela n’a pas toujours été facile, au début. Tous les matins, son fils pleurait avant d’aller à l’école. Elle le réconfortait, mais quand il était parti, c’est elle qui s’effondrait en larmes. Pendant cette période d’adaptation, elle a même appelé sa mère à la rescousse. C’est la seule fois que cette dernière a fait le long trajet d’Afrique du Sud jusqu’au Canada pour venir l’aider pendant un mois.

« On a pris tout ce qu’on a gagné dans la vie pour venir au Canada. Tu recommences presque à zéro à te construire une vie. C’était difficile! Un après-midi, je suis allée chercher mon fils à l’école, mais il ne sortait pas. L’enseignante était là, mais je ne savais pas comment dire où est mon enfant. Elle m’a fait signe de la suivre dans l’école. Je voyais le stress sur les visages des enseignants. Je ne comprenais rien. La seule chose que je pensais c’est où est mon enfant? Vous l’avez perdu », raconte Tina Struthers, dont le fils s’était retrouvé au service de garde par erreur.

Tina Struthers adore son fils unique Garrett, qui a maintenant 11 ans. Elle essaye de lui donner l’espace pour explorer qui il est tout en lui offrant un encadrement. Elle me raconte qu’elle lutte encore et toujours pour ne pas le surprotéger. Garrett est né en Afrique du Sud à 25 semaines de grossesse, un très grand prématuré pesant à peine 1,8 kg. Huit mois avant, Tina Struthers avait donné naissance à un bébé mort-né à 24 semaines. Une période très difficile dans la vie de la jeune femme dans la fin vingtaine.

« J’avais peur, mais heureusement mon mari était calme et positif. Pendant trois mois, mon fils est resté à l’hôpital. On habitait à deux heures de l’hôpital, j’ai donc loué une chambre près de l’hôpital. Mon mari venait chaque week-end. Chaque jour, je passais 12 heures près de mon bébé. Mon fils avait cinq semaines la première fois où j’ai pu le prendre », se souvient-elle, soulignant toute l’aide qu’elle a reçue de sa communauté, de ses amis et de sa famille pendant cette période stressante.

« Un enfant, c’est un cadeau qui est prêté. C’est quelque chose de beau et magique, mais ce n’est pas ta propriété. »

Regarder l’avenir

Quelques années plus tard, elle a quitté ses proches pour se tourner vers l’avenir, en déménageant au Canada avec son mari Gérard et son fils. Chaque semaine, elle téléphone à ses parents pour prendre des nouvelles. C’est les yeux brillants qu’elle me parle d’eux, de ses deux frères et de sa belle-famille. La dernière fois qu’elle les a serrés dans ses bras, c’est à l’été 2015, quand ils sont allés passer les vacances d’été en Afrique du Sud. Voir ses parents vieillir à distance l’inquiète beaucoup. Le temps des fêtes, qui approche à grands pas, sera déjà le huitième loin d’eux.

« Je mets toujours un cadeau qui vient de mes parents sous l’arbre pour notre fils. On s’ennuie, mais tu fais le meilleur que tu peux. Heureusement, on a de bons amis qu’on invite à la maison pour Noël », me confie-t-elle, précisant qu’elle a grandi à côté de la plage. Le jour de Noël en Afrique, ils se faisaient un sandwich avec les restants de viande du réveillon et ils allaient manger sur la plage, avec un morceau de gâteau aux fruits de sa mère. Un jour, elle se promet de revivre cela avec son fils et son mari, bien que le voyage soit très dispendieux à cette période de l’année.

En attendant, pour ses Noëls au Québec, elle perpétue certaines traditions culinaires africaines en préparant un gigot d’agneau avec de la coriandre, du romarin et du thym, sans oublier le traditionnel gâteau aux fruits, un peu différent du nôtre avec ses figues vertes, quand elle peut en trouver.

« On doit faire chaque jour ce qu’on veut faire, car on ne sait jamais ce que demain va apporter. »

S’enraciner dans la culture

Tina Struthers travaille toujours beaucoup, mais à l’approche de Noël c’est le chaos avec l’abondance de projets. Elle est comme un petit lutin du père Noël, enfermée dans son atelier jusqu’à tard le soir quand ce n’est pas une partie de la nuit. Lors de notre rencontre à la mi-novembre, elle finalisait une exposition en duo avec sa très bonne amie Monica Brinkman, mélangeant l’art textile et la mosaïque, en plus de travailler à un projet pour enfants pour la Ville de Vaudreuil-Dorion. Puis, elle pense déjà à son exposition en solo au musée régional, en septembre 2017, qui coïncidera avec son 40e anniversaire de naissance.

« Quelle chance que la vie m’ait amenée ici! C’est la première fois que je sens que je fais partie d’un endroit. La ville et la communauté ont une place spéciale dans mon cœur. J’ai une grande gratitude de leur ouverture, de la chaleur humaine. Je suis très contente. J’ai un immense respect pour le programme Je suis (un projet s’appuyant sur la culture pour créer un sentiment d’appartenance et favoriser l’émergence d’une communauté unie, fière d’un milieu où la différence est une richesse). Honnêtement, cela a changé ma vie. Cela a permis à mon fils de prendre racine. Avec mes projets, je repartage le bonheur que je trouve dans la ville. J’arrive à un point où je réalise mes rêves de vivre avec mes arts », explique Tina Struthers.

« Il faut prendre des risques. On vit juste une fois. Si tu fais un faux pas, tu auras une autre opportunité ou tu auras appris quelque chose. »

À l’écouter, on ressent bien l’immense amour qu’elle porte à son art, mais aussi à sa famille et à l’homme de sa vie, qu’elle a épousé il y a 14 ans. Ce dernier a récemment obtenu un nouveau contrat de travail qui le fait encore changer de pays. À Seattle aux États-Unis, cette fois-ci. La famille a fait le choix difficile de vivre séparément pendant ce contrat, qui va durer trois ans. Toutes les six semaines, il revient à la maison pour une semaine. Tina Struthers prend la situation du bon côté, elle préfère regarder la beauté et l’intensité des retrouvailles que les difficultés de vivre loin l’un de l’autre.

« On est bien ici. Mon fils est bien adapté à l’école. En plus, mon mari voyage tout le temps. Ça n’aurait pas fait de sens de déménager. Il y a plein de façons non traditionnelles d’être une famille. Pour notre enfant, il est important de montrer que tout est possible, qu’il faut être flexible. On est tous les deux très indépendants. C’est important de rester indépendant dans ton couple. Être heureux ça commence par soi. On découvre une nouvelle force. Il y a dix ans, je n’aurais pas été prête à vivre cela. Comme on dit, pour bien se connaître, il faut manger sept sacs de sel ensemble », philosophe l’artiste, me confiant quand même qu’elle a maintenant beaucoup de respect pour les parents monoparentaux.

Perdue dans ses multiples projets, Tina émergera probablement de son atelier, le 24 décembre au matin. Le moment sera venu de prendre une petite pause bien méritée en famille, avec les amis et les voisins. Son mari aura déniché, comme à l’habitude, le plus grand sapin pouvant entrer dans la maison. Un arbre que Tina Struthers s’hâtera de défaire avant la nouvelle année, car l’artiste pense qu’on ne devrait pas commencer le jour de l’An avec le bagage de l’année précédente.

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