Hymne à la guerrière littéraire : Mélanie Calvé se raconte!

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Hymne à la guerrière littéraire : Mélanie Calvé se raconte!
Mélanie Calvé

« Tu sais, je rêvais tellement d’apprendre à lire et à écrire et à peine l’école débutée, j’ai commencé à vivre l’abus sexuel de nuit à la maison des mains d’un ami de la famille. » - Mélanie Calvé

Autour d’un café, la nervosité et la timidité de Mélanie sont désarmantes. Oui, je me permets de l’appeler Mélanie puisque Mme Calvé, de son nom formel, n’a rien d’une personnalité pompeuse ou hautaine, en fait, elle inspire tout simplement ce que de plus pure vous pouvez rencontrer dans ce bas monde.

Les cheveux libres, le regard pétillant, voilant de peine et de misère la petite fille encore inquiète qui se cache en elle, elle répond aux questions tout en se serrant les mains par ici et en ajustant sa robe par là… bref, typique! Oui, typique d’une personne qui malgré la renommée qui la frappe de plein fouet, admet difficilement son talent et se perçoit encore dans les jugements dénigrants de son passé.

De fait, Mélanie n’a rien de l’auteure clichée qui profite du salaire de son mari pour passer ses journées à siroter un bon vin aux abords d’une piscine creusée en écrivant au gré des inspirations… Je ne voudrais point mettre au rancard celles qui jouissent d’une telle situation… que Dieu m’en garde! Mais c’est que Calvé… elle… c’est quelque chose de décapant!

C’est que l’auteure de la trilogie William et Éva n’a pas une histoire toute rose coussinée et confortable… non! Son histoire est une histoire d’amour aussi déchirante et déstabilisante qu’Éric Lapointe qui chante La Bohème!

« C’est quand même fou, confie Mélanie. Je me rappelle qu’avant même de lire, j’aimais les livres. Je les trouvais beaux. J’avais hâte d’apprendre à lire autant que d’apprendre à écrire. C’était comme un appel! »

En me confiant cette petite anecdote, ses yeux deviennent humides, aux bords des larmes, alors qu’elle s’apprête à me dire le reste tout en restant posée et solide.

« Tu sais, je rêvais tellement d’apprendre à lire et à écrire et à peine l’école débutée, j’ai commencé à vivre l’abus sexuel de nuit à la maison des mains d’un ami de la famille, continue l’écrivaine. J’étais donc incapable de rester éveillée le jour et je vomissais tellement les abus me tourmentaient. »

Je tentais le tout pour le tout! Je me devais de rester implacable. Je suis tout de même journaliste! Mais sibol, Mélanie! Pas ça! J’aurais crié si j’avais pu en fixant ses yeux aussi matures que délicats, rêveurs et résilients.

Malgré les blessures infligées et les histoires d’horreurs qu’elle me partage, elle se met à parler de l’écriture en me donnant l’impression qu’elle se berce au gré des mots comme si elle y trouvait consolation pour un passé encore trop difficile.

« Tu sais, je rêvais tellement d’apprendre à lire et à écrire et à peine l’école débutée, j’ai commencé à vivre l’abus sexuel de nuit à la maison des mains d’un ami de la famille. » – Mélanie Calvé

« En fait, j’ai grandi devant la télé, ajoute la petite Mélanie qui me parle à travers l’adulte devant moi. La télé m’a éduquée. J’ai ensuite commencé à prendre un plaisir fou à éteindre la télé avant la fin des émissions pour écrire moi-même ce qu’aurait pu être le dénouement. »

Au-delà de son amour littéraire, elle doit aussi faire face à sa situation familiale. Étant dans un milieu où les gens vivaient du Bien-Être social, elle se faisait souvent regarder de haut comme si elle était vouée à y passer sa vie elle aussi, là, dans un bien-être falsifié et soumis aux jugements des gens des alentours. Outre les abus, elle devait aussi assumer le fait d’être la fille d’une des premières femmes transsexuelle au Canada et elle devait donc maintenant accepter que sa mère fût désormais un homme. Faut pas se le cacher! Cette réalité était difficilement acceptée dans son entourage et créait une réelle ostracisation et un isolement forcé. Souffrant derrière son changement, la mère, ou en fait le père, de Mélanie sombra dans la drogue et ses méfaits. En somme, il serait juste de dire que la jeune Calvé a grandi au milieu des abus, de la drogue, de l’isolement et des travailleurs sociaux.

Enceinte à 16 ans, elle se laisse aller elle aussi au gré des regards méprisants, en baissant les bras devant l’injustice de la vie. Mais, rapidement, elle sait qu’elle est plus forte que ça… que tout ça! Et elle trouve en elle cette force de résilience qui lui permettra non seulement de pardonner, mais aussi de faire sa place.

« Dans mon milieu, je n’avais pas appris grand-chose. Je connaissais davantage les démarches à suivre pour appliquer pour le Bien-Être social que comment faire une application pour un emploi, ajoute mon interlocutrice. Je n’ai pas baissé les bras. J’ai bûché. J’ai toujours eu l’impression qu’il fallait que je me prouve plus que les autres et que je travaille plus fort. Je n’avais pas une grande scolarité et j’ai reçu beaucoup de refus avant que ça marche pour mes romans. En fait, je peux dire que j’ai vécu 19 ans de refus. »

En effet, malgré ses écrits précoces, un roman complet à l’âge de 14 ans, un premier envoyé à des éditeurs à 21 ans et un deuxième écrit après la mort de son père à 26 ans, Mélanie se dédiera à l’écriture à temps plein à partir de l’âge de 37 ans où elle lâche son emploi de préposée à l’urgence. N’ayant pas les moyens financiers pour s’acheter un ordinateur, elle écrira à partir d’un cellulaire qui avait un écran craqué. Elle sait bien qu’elle met de côté amis et parfois, malgré elle, même la famille, mais c’est impératif… elle doit écrire.

Au fil des refus, elle voit tout de même une évolution. Une évolution dans les lettres de refus qui lui laisse entrevoir qu’elle s’améliore et qu’elle pourrait probablement percer. Facebook devient son outil de socialisation où elle partage des brides de sa vie et de ses pétales littéraires. C’est d’ailleurs grâce à ses partages qu’elle se fera remarqué par son éditeur actuel, Fides. Voilà! Mélanie, maintenant mère de 4 enfants, après des années de renoncements, de tentatives, d’échecs, de risque financier et de pleurs, voit la lumière au bout du tunnel. Elle se fait promettre une publication.

« Je sais! C’est fou, avoue Mélanie devant mes réactions de stupéfaction. Mais tu sais, sans tout mon vécu, je ne serais pas là. C’est vrai, j’ai vécu la colère, j’en ai voulu à la vie, mais ensuite j’ai découvert la force du pardon et je sais que tout cela m’a rendu plus empathique et m’a permis d’écrire tout ce que j’ai écrit. »

Chapeau Mélanie! Oui chapeau petite guerrière solitaire de la milice littéraire. À coups de mots, tu as vaincu tes pires démons!

5 Commentaires
  1. Il serait temps que tu vois la belle femme forte, courageuse, fonçeuse ….. que tu es. Moi je l’ai vu depuis notre 1iere rencontre il y a plus de 15..18.ou.20 ans❤

  2. Comme tu nous fait du bien ma belle Mélanie, lire à quel point tu es formidable, cette entrevue à juste confirmer ce qu’on devinait déjà, l’être d’une catégorie à part, et d’une grande résilience. Quand on lit tes 2 romans presque en 3 jours c’est dire a quel point tu peux nous accrocher et nous faire rêver, bravo et on t aime fort. Xxx joanne

  3. Très belle entrevue, j’aime votre plume Monsieur Di Narzo.
    Bravo Mélanie, t’as bûché, travaillé fort, toutes ces nuits…
    Tu reviens de loin.
    Je me rappelle ton blog, éphémère ou quelque chose comme ça.
    Encore bravo.
    Longue vie à ta carrière d’écrivaine.
    Annie B.xx

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